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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/713

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Après la naissance du jeune prince Napoléon, l’Empereur ordonna l’érection d’un palais qui devait lui être bâti en face du pont d’Iéna. Il devait être appelé le palais du roi de Rome. Le gouvernement acheta les maisons situées sur ce lieu, excepté une seule estimée environ 1.000 Napoléons, et qui appartenait à un pauvre tonnelier. Celui-ci en demanda 10.000. Napoléon ordonna qu’ils lui fussent payés. Quand on voulut conclure, cet homme se ravisa et déclara que, ses réflexions faites, il ne pouvait céder sa propriété que pour 30.000 francs. Quand on revint pour terminer, le tonnelier porta sa demande à 40.000 francs. L’architecte fut très-embarrassé ; il ne savait plus que faire ; il n’osait plus ennuyer Napoléon à ce sujet ; cependant, comme il ne pouvait lui cacher ces nouvelles difficultés, il retourna à lui. « Ce drôle-là abuse ! « Comme il n’y a pas moyen de le rendre raisonnable, payez-le. » L’architecte retourna chez le tonnelier qui osa cette fois élever le prix de sa baraque à 50.000 francs. Quand l’Empereur sut cela, il s’écria : « C’est un misérable ; eh bien, je n’achèterai pas sa maison ; elle restera où elle est comme un monument de mon respect pour les lois. »

Depuis, les fondements de l’édifice ont été rasés. La baraque du tonnelier est tombée en ruines, et son propriétaire B… demeure maintenant à Passy, où il est très-pauvre et vit du travail de ses mains.

« Lorsqu’on sut en Europe, me dit-il, que mes intérêts me faisaient rompre mon premier mariage, les premiers souverains de l’Europe me firent faire des confidences. L’empereur d’Autriche appela dans son cabinet mon ambassadeur Narbonne, et lui dit qu’il serait charmé que je songeasse à sa famille. Je pensais alors à me rapprocher d’Alexandre. On écrivit de Vienne au prince de Schwartzemberg, qui était embassadeur à Paris : mais j’avais déjà reçu des dépêches de Russie. Alexandre offrait la main de sa sœur, la grande-duchesse Anne. Quelques difficultés de religion s’élevèrent à cause de la communion à laquelle appartient la princesse. Nous les aurions aplanies. Mais la majorité de mon conseil se prononça pour une princesse autrichienne. J’autorisai alors Eugène à faire des ouvertures au prince de Schwartzemberg ; les articles du mariage furent arrêtés, signés. Alexandre fut mécontent et se crut joué. Il s’est trompé. »

Voici une autre anecdote très-authentique : la reine de Wurtemberg écrivit à la reine Charlotte, sa mère, le détail de son entrevue avec Napoléon. Ce rapport était très-flatteur pour l’Empereur ; en parlant