Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/824

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rie ; il jeta vos alliés à la mer ; sa victoire fut complète. Je n’en ai pas entendu parler depuis. — Docteur ! — Excellence ! — Tout ici…… — Non ! — Qui ? — Moi. —Vous ? — Moi. — Soldats ! — Soldats ! accourez ; mettez le comble à vos outrages ; arrachez un reste de vie à l’Empereur. — L’Empereur ! quel empereur ? — Celui qui fit trembler l’Angleterre, montra à la France le chemin de Douvres, et mit aux mains du continent la massue qui tôt ou tard donnera le coup de grâce à votre aristocratie. » Son Excellence s’éloigna, je restai avec Reade. « Ce n’est pas ainsi… — Non, sûrement, ce n’est pas ainsi ; il faut avoir l’âme pétrie du limon de la Tamise pour venir épier le dernier soupir d’un moribond ; son agonie vous tarde, vous voulez la presser, en jouir. Le Cimbre chargé d’égorger Marius recula devant le forfait qu’il devait commettre ; mais vous !… Allez, sire, l’opprobre se mesure à l’attentat : nous sommes bien vengés. »

La résolution était trop ferme et le Calabrais trop sauvage pour qu’on pût compter sur les bienséances. Le comte Bertrand et le général Montholon cherchèrent un autre moyen de conjurer l’orage. Ils représentèrent à Napoléon que sa santé exigeait des ménagements, une pratique éclairée, et le déterminèrent à prendre un médecin consultant. Il choisit le docteur Arnott que le gouverneur rendit responsable de l’existence de l’Empereur, et qui fut obligé de faire chaque jour à l’officier d’ordonnance un rapport que celui-ci était chargé de transmettre à Plantation-House.

2. — L’Empereur a été fort agité pendant la nuit dernière.

J’introduis le docteur Arnott auprès de l’Empereur, qui lui adresse plusieurs questions relatives à sa maladie, se plaint beaucoup de l’estomac et de l’abdomen. Le médecin anglais propose l’usage d’une nourriture animale, telle que gélatine ou autre analogue, dont le choix doit être surbordonné à l’état des forces digestives ; il conseille en outre de rester au lit le moins possible, et de faire usage de pilules composées d’extrait d’aloès succotrin, de savon dur ; ana, demi-gros ; huile de carvi, deux gouttes ; d’en faire douze, et d’en prendre deux le matin et deux le soir. L’Empereur témoigne une répugnance extrême pour toute espèce de médicament.

Les domestiques rapportent qu’ils ont observé une comète vers l’orient. « Une comète ! s’écrie l’Empereur avec émotion, ce fut le signe précurseur de la mort de César. » J’arrivai au milieu du trouble où ce rapport l’avait mis. « Vous avez vu, docteur ? — Non, Sire ; rien. — Comment ! la comète ? — On n’en aperçoit pas. — On l’a vue. — On s’est