Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/830

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Épousez une Anglaise ; son sang à la glace modérera le feu qui vous dévore. — Je voulais soulager Votre Majesté. — Votre malade sera désormais plus docile : donnez la potion. » Je la lui passai ; il la prit et l’avala d’un trait. « Quand on est coupable d’irrévérence envers Gallien, voilà comme on l’expie. »

17. — Le pouls s’est maintenu dans le même état de dépression, de vitesse et d’irrégularité, jusqu’à une heure et demie du matin.

Le malade a été fort agité pendant le reste de la nuit ; il éprouvait un froid universel.

L’Empereur a pris la dose accoutumée de décoction et de teinture de quinquina : il s’est trouvé beaucoup mieux le reste de la journée ; il a mangé plus qu’à l’ordinaire et s’est levé deux fois.

J’avais remarqué que l’état de l’Empereur était tolérable lorsqu’il avait le ventre libre ; je cherchai à l’entretenir au moyen de quelques laxatifs. Napoléon était tourmenté par la soif. Il n’avait pas encore usé de la limonade ni de l’orangeade ; ces préparations ne pouvaient que lui être avantageuses, je les prescrivis. L’embarras était de se procurer des citrons et des oranges ; l’île en fournit, mais si acides, si amers, que je n’osais en faire usage. Il le fallut pourtant, je n’en trouvais pas un seul qui vînt du Cap. J’eus beau monder, trier ; tout était si détestable, que l’Empereur se crut empoisonné. » Docteur, qu’est-ce cela ? quel breuvage ! — De la limonade, Sire. — De la limonade ! » Il se tut, laissa tomber sa tête : « Rassasié d’outrages, en butte à toutes les privations ! dans quelles mains je suis tombé ! »

18. — L’Empereur passe une nuit des plus mauvaises. Il est triste, abattu, ne parle qu’avec difficulté. Il attribue la situation où il se trouve à la potion tonique de la veille. L’Empereur a pris un peu de nourriture qu’il a gardé en partie. Il se lève, se couche, se relève encore et éprouve une inquiétude qu’il ne peut vaincre.

Je propose à Napoléon quelques médicaments que je crois utiles. « Non, me dit-il du ton d’un homme qui a pris son parti ; l’Angleterre réclame mon cadavre, je ne veux pas la faire attendre, et mourrai bien sans drogues. »

« Il n’en est pas là, nous dit Arnott. — Où en est-il donc ? lui demandai-je ; vous répandez l’espérance autour de nous : quels sont vos motifs ? Exposez-moi votre opinion ; faites que je la partage. » J’analysai les symptômes, je récapitulai les accidents ; le docteur fut bientôt revenu d’une conviction qu’il n’avait pas. Nous nous éloignâmes ; la conversation devint sérieuse. Arnott parlait de squirre, d’affections