Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/857

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elle est armée, et on la pose au-dessus du cercueil qu’elle ne touche pourtant pas. Elle appuie de chaque côté sur un mur solide en pierre. Lorsqu’elle est placée, on la fixe, on enlève l’anneau, et on remplit la place qu’il occupait ; on recouvre la maçonnerie d’une couche de ciment.

Pendant que l’on achevait ces travaux, la foule se jetait sur les saules dont la présence de Napoléon avait déjà fait un objet de vénération. Chacun voulait avoir des branches ou des feuillages de ces arbres, qui devaient ombrager la tombe de ce grand homme, et les garder comme un précieux souvenir de cette scène imposante de tristesse et de douleur. Hudson et l’amiral, que blesse cet élan, cherchent à l’arrêter ; ils s’emportent, ils menacent. Les assaillants se hâtent d’autant plus, et les saules sont dépouillés jusqu’à la hauteur où la main peut atteindre. Hudson était pâle de colère ; mais les coupables étaient nombreux, de toutes les classes, il ne put sévir. Il s’en vengea en interdisant l’accès du tombeau, qu’il fit entourer d’une barricade, et auprès duquel il plaça deux factionnaires et un poste de douze hommes avec un officier. Celle garde, disait-il, devait y être maintenue à perpétuité.

La tombe de l’Empereur est à environ une lieue de Longwood. Elle est de forme quadrangulaire, plus large dans le haut que dans le bas ; sa profondeur est d’environ douze pieds. Le cercueil est placé sur deux fortes pièces de bois, et isolé dans tout son pourtour. Nous ne pûmes le couronner d’une pierre tumulaire ni d’une modeste inscription. Le gouverneur s’y opposa, comme si une pierre, une inscription eussent pu en apprendre au monde plus qu’il n’en savait.

Hudson avait mis Napoléon au tombeau, sa tâche était finie ; il ne lui restait qu’à recueillir quelques fournitures. Il accourut, s’en fit remettre l’état, examina, fureta, alla jusqu’à ouvrir des paquets que l’Empereur avait lui-même cachetés avant sa mort. Ses recherches sont infructueuses ; il ne trouve pas l’objet secret qu’il poursuit, il en devient plus tenace ; il fouille, il presse, il interroge et ne consent à quitter la place que lorsque ses agents ont inventorié les meubles, emballé les livres, qu’il ne reste pas un coin qui n’ait été visité, pas un chiffon qui n’ait été enregistré.

Nous désirions conserver quelques-uns de ces objets sans valeur, qui étaient pour nous d’un prix inestimable, puisqu’ils avaient servi à l’Empereur ; nous demandâmes, nous sollicitâmes, nous ne mimes pas de bornes à nos offres ; mais plus nous insistions, plus nous étions durement refusés : nous ne pûmes rien obtenir. En revanche, Hudson nous annonça avec une grâce infinie que nous eussions à nous préparer au