Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/889

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mandant du génie, le commandant de place, et un fils du gouverneur, malade et retenu dans son lit. Le lendemain 9 fut le jour fixé pour la descente, la visite au gouverneur, à Longwood et au tombeau. L’expédition était attendue depuis deux mois à Sainte-Hélène. On débarqua à onze heures. Toutes les notabilités de l’île étaient réunies. Le brick anglais rendit les honneurs du salut royal. Un colonel donna la main au prince pour sauter sur le quai. Trois cents hommes du 91e formaient une double haie. Le prince avait une tenue simple et sévère qui contrastait avec les riches broderies des officiers anglais. Au château, les autorités lui furent présentées. On se rendit ensuite sur la place d’armes, où une vingtaine de chevaux piaffaient en attendant leurs cavaliers. A midi, un nuage de poussière s’élevait autour de la brillante cavalcade. Sa course se ralentit au pied des longues et hautes montagnes de Border-Hill, qui dominent la ville et la mer. On était dans l’intérieur de l’ile, au milieu de sa nature triste et sauvage. Quelques aloès bordent les rampes pierreuses du chemin, ainsi que des fleurs des tropiques, étiolées, sans couleur, manquant de terre et d’eau ; ça et là des pins, des mélèzes, marient leur noir feuillage. La mer se déroule au loin, entourant le rocher de son immensité bruyante. On apercevait dans le lointain Plantation-House ; on regardait devant soi avec anxiété : on ne voyait pas encore Longwood. C’est à Plantation-House, située sur le revers d’une colline, que le gouverneur-général Middlemore reçut le prince, et que la réception fut officiellement complétée. Trois personnes, le prince, le commissaire du roi et le gouverneur, se retirèrent dans un autre appartement où ils convinrent ensemble des moyens les plus convenables pour exécuter la remise des dépouilles de l’Empereur. La conversation fut longue : elle dura plus d’une heure. Déjà les membres de la mission craignaient quelque brusque changement de politique, quelque réveil. Toute incertitude cessa lorsque le gouverneur rentra dans le salon en disant : « Messieurs, jeudi 15, les restes mortels de l’empereur Napoléon seront remis entre vos mains. » Quelle distance de ce jour-là aux affreux jours de 1815 ! La course fut aussitôt reprise vers Longwood, où l’on n’arriva qu’après deux heures de marche, de montées et de descentes difficiles. Le prince marchait en avant, ayant à côté de lui le capitaine Alexander, le chef de la justice et les deux commandants de la place et du bataillon. Les Français composaient le reste de l’escorte. De temps en temps on voyait arriver, de toute la vitesse de leurs chevaux, des officiers anglais qui portaient ou distribuaient des ordres. Ils disparaissaient ensuite dans