Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/942

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sanitaires ; aucune exhalaison méphitique n’est sortie des terres que l’on remuait, ni du caveau dont on faisait l’ouverture.

« Le caveau ayant été ouvert, j’y suis descendu : au fond était le cercueil de l’Empereur ; il reposait sur une large dalle, assise elle-même sur des montants en pierre. Les planches en acajou qui le formaient avaient encore leur couleur et leur dureté, excepté celles du fond, qui, garnies de velours, présentaient un peu d’altération dans les couches les plus superficielles. On ne voyait alentour aucun corps solide ni liquide. Quant aux parois du caveau, elles n’offraient pas la plus légère dégradation, mais seulement çà et là quelques traces d’humidité.

« M. le commissaire du roi m’ayant engagé à ouvrir les cercueils intérieurs, j’ai dû les soumettre d’abord à quelques mesures sanitaires ; immédiatement après, j’ai procédé à leur ouverture. La caisse extérieure était fermée par de longues vis ; il a fallu les couper pour enlever le couvercle ; dessous était une caisse en plomb, close de toutes parts, qui enveloppait une autre caisse en acajou parfaitement intacte ; venait enfin une quatrième caisse en fer-blanc, dont le couvercle était soudé sur les parois qui se repliaient en dedans. La soudure a été coupée lentement et le couvercle enlevé avec précaution ; alors j’ai vu un tissu blanchâtre qui cachait l’intérieur du cercueil, et empêchait d’apercevoir le corps : c’était du satin ouaté, formant une garniture dans l’intérieur de cette caisse. Je l’ai soulevé par une extrémité, et, le roulant sur lui-même des pieds vers la tête, j’ai mis à découvert le corps de Napoléon, que j’ai reconnu aussitôt, tant son corps était bien conservé, tant sa tête avait de vérité dans son expression. Quelque chose de blanc, qui semblait détaché de la garniture, couvrait comme d’une gaze légère, tout ce que renfermait le cercueil. Le crâne et le front, qui adhéraient fortement au satin, en étaient surtout enduits ; on en voyait peu sur le bas de la figure, sur les mains, sur les orteils. Le corps de l’Empereur avait une position aisée : c’était celle qu’on lui avait donnée en le plaçant dans le cercueil ; les membres supérieurs étaient allongés, l’avant-bras et la main gauche appuyant sur la cuisse correspondante, les membres supérieurs légèrement fléchis. La tête, un peu élevée, reposait sur un coussin ; le crâne volumineux, le front haut et large, se présentaient couverts de téguments jaunâtres, durs et très-adhérents. Tel paraissait aussi le contour des orbites, dont le bord supérieur était garni de sourcils. Sous les paupières se dessinaient les globes oculaires, qui avaient perdu peu de chose de leur volume et de leur forme. Os paupières, complétement fermées, adhéraient aux par-