Page:Lassalle - Capital et travail.djvu/45

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Permettez donc que je vous explique seulement quelques-unes des méprises que vous fait commettre votre profonde érudition.

1) Le but du travail est la satisfaction des besoins humains, dites-vous, et l’homme atteint ce but par l’emploi raisonnable des forces mises en lui par la nature. Cette affirmation faite inopinément, aussi fondée qu’elle soit d’ailleurs, n’apparaît ici que comme une simple affirmation. En effet, cette affirmation est vraie, et comme fait généralement reconnu ne nécessite aucune nouvelle preuve, en tant que vous parlez de l’homme en face de la nature, de l’homme isolé. Robinson Crusoé dans son île solitaire atteint la satisfaction de ses besoins par le seul emploi raisonnable des forces mises en lui par la nature. Mais dans notre société humaine, cette position se modifie immédiatement d’une manière essentielle, d’un côté ou de l’autre. Selon les institutions sociales, les uns peuvent être mis à même d’atteindre beaucoup plus qu’ils n’auraient pu le faire par l’emploi raisonnable des forces mises en eux par la nature, c’est-à-dire des forces mises en eux comme individus, et les autres peuvent être empêchés d’atteindre ce à quoi ils auraient droit en employant raisonnablement les forces mises en eux par la nature. Et depuis que l’histoire existe, ce double phénomène s’est toujours produit.

Si vous avez pensé que, étant donné les institutions sociales d’aujourd’hui, une pareille iniquité, profitant aux uns, aux dépens des autres, n’était plus possible, vous deviez le démontrer par une analyse de ces institutions.

Vous deviez examiner au point de vue critique la valeur d’échange, l’argent, le crédit, le capital, la concurrence, le travail salarié, la rente foncière,