Page:Lassalle - Discours et pamphlets.djvu/227

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qu’il a toujours servi, qu’il doit toujours servir. Je vais vous fournir un seul exemple ; je pourrais vous en présenter des centaines : canaux, routes, postes, lignes de paquebots, télégraphes, banques foncières, améliorations du sol, introduction de nouvelles branches de fabrication, etc. Chaque fois l’État a dû intervenir.[1] Je veux vous donner un seul exemple, mais il en vaut cent ; il est d’ailleurs très proche de nous. Quand on construisit les chemins de fer, sauf quand il s’est agi de lignes isolées et très courtes, l’État dut intervenir dans tous les pays allemands. Il en fut de même chez les autres peuples. Dans la plupart des cas il dut assumer l’obligation de garantir au moins l’intérêt des actions. D’autres nations s’imposèrent des charges plus lourdes encore.

La garantie d’intérêts est un contrat léonin conclu entre l’entrepreneur, le riche actionnaire, et le gouvernement. Si les nouvelles entreprises sont désavantageuses, la perte retombe sur l’État, c’est-à-dire sur tous les imposés, et surtout sur vous, Messieurs, sur la grande classe des pauvres. Les nouvelles entreprises sont-elles au contraire rémunératrices les gros dividendes revien-

  1. On a généralement coutume de représenter l’Angleterre comme le pays où une telle intervention est inconnue. Et cependant, aujourd’hui encore, elle est fière de l’abolition de l’esclavage dans les colonies, édictée par un acte du parlement datant de 1833. Seule l’intervention de l’Etat rendait ce progrès possible et l’indemnité ne coûta pas au Trésor moins de vingt millions de livres sterling. Il s’agit de libérer maintenant l’immense majorité de la nation de la loi des salaires. C’est là une mesure qui doit intéresser davantage l’État que la libération d’une race étrangère dans les colonies, surtout s’il pouvait l’introduire sans s’imposer les sacrifices que lui a coûtés l’abolition de l’esclavage.