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LA MORALE DE NIETZSCHE

faire retrouver plaisir à la majesté, à la grâce, aux mystères aussi d’un ordre maintes fois, mais toujours diversement éprouvé. Le romantisme est, en principe du moins, la négation de toute forme consacrée. À y regarder de près, on verrait qu’il n’a été le plus souvent qu’un usage effronté et chaotique de tous les styles du passé à la fois.

Se croyant ou se rêvant d’ailleurs sortie directement des entrailles de la nature, l’œuvre d’art romantique sera condamnée, par une conséquence évidente, à chercher l’intérêt dans la nouveauté absolue. Par quoi donc pourra-t-elle être si nouvelle ? Par le sujet tout d’abord. Trait caractéristique du romantisme : la poursuite de sujets extraordinaires, de cas inouïs, laquelle a pour aboutissant extrême la frénésie de l’anormal.

Mais entre les sujets extraordinaires, il en est un qui les dépasse tous, le sujet des sujets, le sujet sans fond et sans bornes. Comment le nommer ? Dieu, si l’on veut, l’Infini, l’Univers, la nature tout entière de l’alpha à l’oméga. Fils de la nature et de la nature seule, nouveau-nés de l’Infini, les grands artistes romantiques ne se sont pas proposé une moindre matière. Celle-là seule les a hantés, toute autre leur apparaissant trop inférieure à ce qu’ils portent en eux. — Avons-nous besoin de montrer que, bien qu’unique