Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
LA MORALE DE NIETZSCHE

d’art une espèce de jouissance de tout le corps à la fois, ce que vous observerez fort bien chez les « wagnériens » et « wagnériennes ». De cette façon il est évident que l’art « prend » les âmes, mais en les stupéfiant par un vertige sensuel.

Conclusion singulière, mais d’ailleurs bien prévue pour le psychologue ! Religieux, métaphysique dans l’intention, l’art romantique est grossièrement matérialiste dans l’expression ! Ce Dieu romantique, cet Infini équivoque ne serait-il pas quelque chose comme la somme de toutes les excitations nerveuses ?

Ces traits originaires du romantisme, il resterait à les vérifier sur ses plus grands représentants au xixe siècle. Mais on comprend le principe. Il achèvera de se préciser par les lignes suivantes, capables aussi bien de couronner toute cette étude, car elles en rappellent le thème fondamental.

« Qu’est-ce que le romantisme ? écrit Nietzsche. Tout art, toute philosophie peuvent être considérés comme un secours, un remède réparateur qui s’offre à une vie en croissance et en lutte : ils supposent toujours de la souffrance et des souffrants. Mais il y a deux sortes de souffrants : tout d’abord ceux qui souffrent d’une surabondance de vie et qui veulent un art dionysiaque et aussi une vue tragique de la vie ; — puis, ceux qui souffrent d’un appauvrissement de la vie, et qui par l’art