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APPENDICE

Nous autres, hommes du « sens historique », nous avons comme tels nos vertus, ce n’est pas contestable. Nous sommes sans prétention, désintéressés, modestes, courageux, pleinement capables de nous dominer nous-mêmes, de nous donner, très reconnaissants, très patients, très accueillants. Avec tout cela, nous n’avons peut-être pas beaucoup de goût. Avouons-nous le en fin de compte : ce qui nous est le plus difficile à saisir, à sentir, à savourer, à aimer, ce qui, au fond, nous trouve prévenus et presque hostiles, nous, hommes du sens historique, c’est précisément le point de perfection, de maturité dernière dans toute culture et tout art, la marque propre d’aristocratie dans les œuvres et les hommes, leur heure de mer lisse, d’alcyonique contentement, l’éclat d’or, brillant et froid qui apparaît sur toute chose achevée. Peut-être y a-t-il nécessairement une opposition entre cette grande vertu et le bon, tout au moins le meilleur goût. » (Jenseits von Gut und Böse, p. 178.)


Il y a donc des terres choisies où les Allemands ont été, tant par leurs qualités que par leurs défauts, empêchés d’entrer. À partir d’une certaine hauteur, la littérature française leur reste close. En ce siècle notamment, s’ils l’ont connue, fêtée tout ensemble et méprisée, dans ses gros articles de colportage, d’Alexandre Dumas père à Sardou, ils en ont totalement ignoré les produits fins.

En vingt endroits de ses écrits, Nietzsche a donné de notre littérature, ou plutôt de ce qu’il y sent de purement français, une caractéristique