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Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/165

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APPENDICE

leur état. Du moins, ces traits peignent-ils assez l'idée d'un Français de bonne race qui a beaucoup de bienveillance à mettre d'accord avec sa raison politique. Il n'importe que dans cet aperçu de la belle cité grecque nous nous soyons soucié d'autre chose que d'exactitude textuelle et ayons enrichi de quelques finesses psychologiques la construction aérée d'Aristote. Nous montrons ici que la hiérarchie des classes est une condition nécessaire de la sagesse du peuple, non pas seulement de celle qui tranquillise, pour un temps au moins, le pouvoir central, mais de celle-là plus encore dont le peuple lui-même jouit et peut tirer fierté. Il faut voir dans les dialogues de Platon avec quel sérieux ces jeunes gens délimitent le domaine du potier et du corroyeur et l'y déclarent maître. « Qui est bon estimateur d'un vase ? demandent-ils. — Le potier habile. — Et de la chorégraphie ? — Le maître à danser. — Qui est bon interprète des dieux ? — Les prêtres et les augures ? — À qui donc, ô mon fils, dirons-nous qu'il appartienne de juger des mœurs, de la religion et de l'ordre de la cité ? — Aux meilleurs, ô Socrate (οἵ ὰρἱστοί), aux véridiques (οὶ αληθέοί), aux hommes bien nés qui ont l'âme belle (ϰαλοϰαγαθοί). Ainsi leur parole concise sculpte en passant de belles et solides figures de maîtres artisans. Des foules d'hommes de peu de saillie individuelle se trouvent parés de dignité, leur impersonnalité même devient une sorte de grandeur.