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Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/22

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PIERRE LASSERRE

et renouèrent avec éclat la tradition française de la pensée claire et méthodique.

Mais ces grands esprits, dont l’influence domine toute la période littéraire qui s’étend de 1850 à 1890 environ et dont nous avons encore (du premier principalement) beaucoup à apprendre, étaient surtout des naturalistes et des historiens. Ils faisaient de la science comparée. Ils nous montraient des échantillons historiques d’où ressortaient, par démonstration expérimentale, les conditions qui font la prospérité ou la décadence de la civilisation, celles qui font la force ou la faiblesse des États, la cohésion ou la décomposition des sociétés, la floraison ou le dépérissement des lettres et des arts. Ce qui leur manquait, c’était l’esprit d’action, l’esprit d’initiative, je dirai presque l’esprit de vie, la foi suffisante en l’immortelle jeunesse de la patrie et de l’humanité.

Ce caractère est très sensible chez Flaubert. Il parle comme si tout était fini.

Ces hommes se ressentaient du romantisme de leur première jeunesse. Ils avaient donné leur cœur aux chimères. Elles ne le leur avaient pas rendu entièrement. Ils ne reconquirent que leur raison. La connaissance des réalités n’eut pas chez eux pour compagnes les énergies de la gaîté, de l’enthou-