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Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/30

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PIERRE LASSERRE

Il tenait la morale des sages anciens pour supérieure à la morale chrétienne. Il y puisait les inspirations de son honnêteté, de sa fermeté et de son courage, vertus qui furent grandes chez lui. Mais jamais il ne montrait contre le christianisme d’intentions destructives, ni même d’animosité. Il se fût fait l’effet d’un déclamateur.

Si Brochard eût vécu au temps de Celse ou de Lucien, son sentiment et son attitude eussent sans doute été autres. Il se fût posé en adversaire de la religion nouvelle. Il eût essayé d’en empêcher l’établissement. Mais alors le sort du christianisme n’était pas décidé, il se jouait. De la part d’un homme qui en considérait les principes comme moins favorables à l’humanité que ceux de la vieille religion gréco-romaine, il était raisonnable de se livrer contre elle à la polémique. La question se présente aujourd’hui d’une toute autre manière. Il y a dix-neuf siècles ou, si l’on veut, seize siècles (en comptant à partir du moment où le pouvoir impérial l’adopta) que le christianisme règne dans le monde occidental. Cette longue durée constitue une expérience dont il serait bien difficile de soutenir que les résultats soient à son désavantage. L’évocation de ce qui se serait passé si… ne constitue pas un argument