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II

Par cette conception généreuse du pouvoir de l’espèce humaine sur sa propre destinée, Nietzsche se montre bien l’ennemi de la résignation évangélique et du pessimisme chrétien. — Mais il s’oppose plus fortement encore au moderne optimisme humanitaire, et — trait remarquable — en vertu du même principe.


Les philosophes et sociologues modernes de l’inspiration de Rousseau se croient en effet non-chrétiens parce que, contre l’ascétisme de la morale évangélique, ils revendiquent la liberté de l’instinct. Mais la dangereuse folie de ces esprits c’est d’être plus imprudemment chrétiens que l’Évangile lui-même. L’Évangile ne perd pas de vue l’opposition de ses préceptes à la nature, ni combien ils sont faits pour scandaliser l’homme naturel, quand celui-ci n’en aperçoit pas l’envers divin. Ce que nos humanitaires entendent, eux, par « Nature » ce n’est autre chose que l’idéal évangélique tout réalisé. Leur thèse de la « bonté primitive de l’homme »