détache en quelque sorte la réalité de l’objet de
la séduisante atmosphère qui la pénètre, ou plutôt
il considère l’objet comme un produit, comme
une création de cette atmosphère qui devient la
substance, le tout de l’art, au lieu d’en être simplement
le signe. Il dit que quand le spectateur
grec voyait sur la scène les malheurs d’Admète,
« il dissolvait, pour ainsi dire, cette réalité en
une irréalité fantômale[1] ». Il est trop sensible
pour ne pas reconnaître et ne pas célébrer ce
qu’il y a de merveilleusement clair, précis et intelligible
dans les compositions sophocléennes. Elles
n’en sont pas moins pour lui « fantômales », fantômes
surgis du rêve. C’est la gageure de cette
théorie si forcée.
La raison de ce sophisme esthétique, c’est qu’il faut faire sortir de force toute création dramatique ou épique « du sein de la musique ». Illégitime alors même que la création musicale aurait ce caractère essentiellement indéterminé et fluide que lui prête la théorie, alors même que
- ↑ Naissance de la Tragédie, p. 64.