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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


tiste »[1], en tant qu’elle faisait de l’art, et non de la morale, ni de la science, l’activité essentiellement métaphysique de l’homme.

En effet, le Dieu nietzschéen n’est-il pas le suprême esthète ? De même que l’artiste humain mal satisfait des objets et des individus défectueux, à demi avortés, que lui présente la nature, compose, dans un but exclusif de satisfaction contemplative, des formes plus harmonieuses, plus dignes de vivre que tout ce qui se présente à ses sens, pareillement l’Être absolu ne déroule dans les cadres illusoires de l’espace, du temps et de la causalité, le vain tableau du monde et de la vie, que pour se distraire du désordre et de la contradiction infinie qui le déchirent.

Mais l’activité esthétique, soit en Dieu, soit en l’homme, a une double nature. En tant qu’il « s’enchante des visions de l’apparence », on peut dire que Dieu rêve. En tant qu’il se ressent lui-même, comme débordant de son essence inépuisablé toutes les apparences qu’il

  1. Œuvres, t. XIV, p. 365.