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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


Nietzsche se fait à lui-même une objection, qui se présente assez naturellement à l’esprit et qui l’amène à rectifier une allégation de Schopenhauer.


Se fondant sur une conception esthétique courante, on va encore nous répéter cette phrase : «  Ce n’est pas le poème, mais le sentiment engendré par le poème, qui enfante la composition musicale[1]. »


La musique, disait Schopenhauer, n’exprime pas telle joie, telle douleur particulières, tel sujet de douleur ou de joie, mais la Joie, la Douleur en général. Nietzsche réplique que la musique exprime quelque chose de plus général encore : l’Émotion, l’Émotion pure et indéterminée, la puissance émotionnelle de l’âme. De telle sorte que ce n’est pas seulement en imaginant, sous l’impression d’une certaine musique, des scènes de joie ou de douleur, que l’auditeur ajouterait à cette musique un commentaire factice. Il ferait preuve, bien que moins grossièrement, de la même impuissance à ressentir la

  1. T. IX, p. 217.