enfin l’embouchure de la Tamise, et comme la douane n’a rien à dire aux Smacks, passant tout droit sans s’arrêter il alla debarquer à la tour de Londres. Ce fut pour moi un vrai plaisir de me retrouver dans une ville où j’avais beaucoup de parens et d’amis après avoir été plus de deux ans séparés d’eux et n’avoir vécu pendant tout ce tems qu’avec des étrangers.
Cependant l’instant de mon arrivée etait bien affligeant ; c’est à cette époque que l’on venait d’apprendre le désastre effroyable de Quiberon : il n’y avait pas une famille Française à Londres, qui n’eut à pleurer la perte d’un pere, d’un mari, où d’un frere ; on se fuyait ... tous les liens de la société semblaient rompus, une douleur aveugle et farouche faisait traiter avec défiance, le peu d’amis qui restaient. Deux partis s’étaient formés, l’un soutenait M. D’hervilly, l’autre M. de Puisaye ; ils s’accusaient mutuellement et défendaient avec chaleur, celui dont ils avaient embrassé la cause. J’étais étranger à tous les partis, et j’admirais le courage fougueux de l’un, sans cependant jamais croire l’autre un traitre ; quoique je sois loin d’approuver sa conduite, il est sur cependant que ce qu’il avait promis, s’est éxécuté presque à la lettre : Le débarquement et la jonction d’un grand nombre de chouans, il n’y a que les secours qui devaient le joindre quelques jours après, qui ne sont pas arrivés. Cette funeste expédition a couté la vie à une grande partie de la noblesse de Bretagne et à un très grand nombre des anciens officiers de la marine de France qui furent sacrifiés inutillement.