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les surprendre dans ses interrogatoires et de les amener à ses idées :

« Quelle folie est donc la vôtre ! leur disait-il. Abandonner la doctrine des lettrés, fuir la voie des plaisirs et s’attirer ainsi à soi-même de grands malheurs, qu’est-ce donc que cela signifie ? »

Mais toutes ces exhortations furent inutiles, et le mandarin, d’après la loi, expédia les deux courageux cousins au tribunal des crimes de leur province.

Le 29, au chant du coq, ils étaient en route. À la chute du jour, ils rencontrèrent les satellites du tribunal criminel qui venaient les chercher. De nombreux valets du prétoire étaient sur pied et s’avançaient en poussant de telles clameurs et en faisant un tel vacarme, que la capture des deux confesseurs ressemblait à celle d’insignes voleurs.

On les conduisit à la préfecture, en dehors de la porte du Sud, et, comme les ténèbres étaient déjà complètes et la nuit avancée, on alluma des torches.

Le juge criminel, après leur avoir demandé leurs noms et prénoms, leur dit :

« Connaissez-vous le crime dont vous étés accusés ?

— J’ignore, répondis-je, ce dont il est question. Notre gouverneur nous ayant envoyés au juge, nous sommes venus sur son ordre, et, contre toute attente, nous avons été en route saisis comme des voleurs.

— Quelles sont vos occupations habituelles ?

— Je me livre à l’étude de la religion. »

Ensuite ils répondirent franchement à toutes les autres questions. Peu après, on leur passa au cou une cangue du poids de dix-huit livres ; on leur attacha de plus une chaîne au cou, et on fixa leur main droite sur un croc contre le bord de leur cangue.

Ils passèrent la nuit dans la chambre des gardiens de la prison, pièce chauffée et séparée des autres prisonniers, tantôt priant, tantôt sommeillant. À la pointe du jour on les changea de prison, et le gouverneur les cita à sa barre l’après-midi.