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tiers, et il paya plus tard de sa vie son indulgente complicité. Trois ans après, grâce aux intrigues de ses ennemis, il fut contraint de boire le poison, ainsi que les princesses qui avaient reçu le prêtre chinois. Les servantes eurent même aussi la gloire de mourir sous le glaive.

Le zèle du P. Jacques Tsiou le porta à instituer la pieuse confrérie de l’Instruction chrétienne pour suppléer à l’immobilité et au silence où il était souvent condamné. Ceux qui en faisaient partie répétaient partout les instructions du prêtre, faisaient des prosélytes chez leurs parents et amis, et par leur moyen tous les chrétiens pouvaient à peu près communiquer entre eux. Quant à voir le prêtre, malgré l’ardent désir de beaucoup de fervents fidèles qui auraient voulu recevoir les sacrements, cela n’était accordé qu’avec des précautions minutieuses et à un très petit nombre. Deux chrétiens qui furent martyrisés plus tard, éloignés de quatorze lieues de la capitale, y vinrent sept ou huit fois uniquement pour voir le prêtre ou du moins communiquer avec lui. Ceux qui veillaient sur le P. Tsiou ne les laissèrent point arriver jusqu’à lui ! Dans la suite la nouvelle de sa mort, en les rendant certains qu’ils avaient été si près de lui sans le voir, augmenta leurs regrets. Cette conduite et ces démarches ne seront-elles point un jour la condamnation de cette indolence et de cette indifférence de tant d’âmes pour leur salut, bien qu’elles soient entourées de tous les secours de la religion ?

Tandis que le christianisme faisait des progrès très consolants en Corée, et que le P. Tsiou, grâce à des précautions inouïes, exerçait ainsi son zèle à l’égard de son petit troupeau, pour le malheur des chrétiens, le bon roi Tsieng-tsong vint à mourir (1800). Son fils était encore trop jeune pour régner, et la régence fut confiée à son aïeule, femme dont l’ambition ne recula devant aucun moyen pour affermir son autorité personnelle.

Voici, d’après le martyr Alexandre Hoang, quelle était la situation politique de la Corée à cette époque, situation qu’il faut bien se rappeler si l’on veut saisir la raison de tant de persécutions succédant, presque sans transitions, à des périodes de calme et de paix.