Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tempête, l’Église de Corée planta plus vigoureusement encore ses racines dans cette terre qu’arrosait le plus pur sang de ses enfants ; elle enrichit le ciel d’une foule de martyrs. Devant la mort, au milieu des plus cruelles tortures, ils furent les dignes frères des héros de Rome, au temps des Néron et des Dioclétien.

Le fameux philosophe Ambroise Kouan, frère aîné de Xavier, au milieu des supplices, semblait assis à un festin et par son calme invincible étonnait ses ennemis. Thomas T’soi, frappé d’un premier coup de sabre par la main tremblante d’un bourreau maladroit, portant la main à la blessure de son cou, la retirait teinte de sang et s’écriait :

« Ô précieux sang ! »

Au même instant, un second coup de sabre lui ouvrait le ciel.

À son tour, l’apôtre zélé du Naï-po, Louis de Gonzague Ni, après cinq années de surveillance de la police, le corps broyé dans des supplices affreux, portait enfin sa tête sur le fatal billot : elle ne tomba qu’au sixième coup. Alexandre Hoang, de la caste méprisée des tueurs de bœufs, après une vie passée dans la pratique des plus rares vertus, comparaissait aussi devant les juges. Battu avec une telle violence qu’une de ses jambes en resta brisée, il s’écriait encore :

« Non, non, dussé-je souffrir dix mille fois plus, je ne renierai jamais Jésus-Christ ! »

Porté sur une civière au lieu de son supplice, à cause de sa jambe brisée, il conserva une sainte gaieté jusqu’au dernier moment.

Barbe Sim, jeune fille de dix-neuf ans, avait consacré sa virginité à Dieu. Elle se rendit au-devant des satellites qui venaient l’arrêter ; elle fit une courageuse confession de sa foi ; elle remporta la double palme du martyre et de la virginité. Ainsi Dieu, qui ne fait acception de personne, cueillait dans tous les rangs et tous les états des fleurs suaves dont il voulait orner le ciel. De nouveau, il confondait la fausse sagesse des méchants par ce qui leur paraît le plus faible et le plus méprisable !

Toutes ces tristes nouvelles venaient coup sur coup accabler le cœur du P. Tsiou. Sa position lui parut bientôt perdue, et il jugea