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canot, et même à la jonque, de résister à la tempête au milieu de ces écueils. Cependant les matelots chinois, si peureux d’habitude, encouragés par les missionnaires, jurent de conduire à terre malgré tout M. Maistre et son guide. On met à la voile. Un banc de sable barre le chemin à la jonque.

« N’importe, disent les nautoniers chinois, attendons la marée et nous passerons par-dessus. »

Mais la tempête continuant, il fut impossible durant cette journée de lancer le canot. Le brouillard était épais et la nuit profonde. Enfin le ciel s’étant un peu éclairci, le vent s’apaisa et les vagues se calmèrent. Alors M. Maistre, au milieu du silence religieux des matelots chinois, se revêtit de son pauvre costume coréen et descendit dans le canot avec son guide, après avoir embrassé affectueusement son dévoué pilote. Le débarquement se fit à la voile, de peur que le bruit des avirons ne réveillât les pécheurs endormis sur le rivage. Personne ne bougea. Le Père Maistre, précédé de son guide, portant comme lui sur son épaule un petit paquet des choses les plus nécessaires, gravit les sentiers escarpés des montagnes, derrière lesquelles il disparut rapidement.

La tempête de la veille avait empêché le mandarin de communiquer avec la terre ferme ; mais, dès la pointe du jour, probablement assailli de soupçons, il se dirigeait de nouveau vers la barque du Père Hélot. Pour éviter des visites compromettantes, celui-ci lui refusa impitoyablement l’accès de son bord. Aussitôt le mandarin se rendit à un village du continent, d’où partirent, bientôt après, une multitude de barques qui s’éparpillèrent le long de la côte ; puis, à la tombée de la nuit, des feux, allumés de distance en distance sur le rivage, continuèrent la surveillance, et on recommença les journées et les nuits suivantes. L’entrée en contrebande eût été désormais impossible.

Le Père Hélot, après avoir joué, quelques jours encore, le pauvre mandarin par différentes manœuvres, afin de dépister sa surveillance, finit par hisser ses voiles de paille, et la jonque tourna vers les côtes de la Chine sa proue aux grands yeux de