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côtes de Chine. Mes pauvres marins n’avaient jamais perdu la terre de vue ; quelle ne fut pas leur frayeur lorsque, le soir, ils ne virent plus autour d’eux que l’immensité des mers ! Un vent furieux se déchaîna ; nous essuyâmes une violente bourrasque, et pendant deux heures nous eûmes toutes les peines du monde à maintenir notre embarcation. Figurez-vous une petite barque toute en sapin, les clous en bois, pas un seul morceau de fer dans sa construction, des voiles en herbes tressées, des cordes en paille ! Mais je l’avais appelée le Saint-Joseph. J’avais mis la sainte Vierge à la barre et sainte Anne en vigie,

« Le lendemain, point de terre. Le troisième jour, nous rencontrâmes des barques chinoises. Le courage revenait au cœur de mon équipage ; mais le calme nous surprit.

« À la nuit, nous eûmes encore un coup de vent qui dut nous pousser fort loin dans la bonne direction. Le vent soufflait par soubresauts de droite à gauche ; la mer se gonflait et frappait les flancs de la barque. On ne pouvait voir à deux pas dans l’obscurité, et il tombait une pluie torrentielle. J’admirai le courage de mon pilote ; il resta toute la nuit au poste, ne voulant, pas céder sa place avant que l’orage fût passé, et tenant fidèlement la direction que je lui avais donnée.

« Enfin le vent cesse, les nuages se dissipent ; il ne reste plus que le roulis, et bientôt l’orient en feu nous fait présager une belle journée. Où étions-nous ? Où avions-nous été jetés par la tempête ? Telle était la question que nous nous posions, lorsqu’un matelot fait remarquer un point noir. Peu à peu il grossit : c’est une terre dans la direction que nous avons prise. Plus de doute, c’est la Chine.

« Puis on signale un navire ; bientôt, à ses voiles, on reconnaît un navire européen : il vient vers nous. J’ordonne de passer tout à côté, et je fais hisser un petit drapeau tricolore que j’avais eu soin de préparer avant de quitter la Corée. C’était un beau trois-mâts ; j’ai appris depuis qu’il était de Saint-Malo et venait de Tche-fou. En passant, je lui fais un grand salut. Le capitaine, qui nous regardait avec grande attention, très étonné de voir flotter le drapeau français sur une si singulière embarcation, qui