Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de quelques pieds carrés, n’ayant qu’une porte pour toute ouverture. Sur le plancher, on avait étendu une couche de paille pourrie qui servait de lit aux captifs ; les murs, solides, étaient recouverts de planches de tilleul disjointes. Les prisonniers sortaient pendant quelques minutes chaque jour. Ils portaient des vêtements sales, usés, déchirés ; ils n’en changeaient jamais. Ils mangeaient deux bols de riz par jour avec un peu de sel, et quelquefois des légumes. Mgr Ridel devait rester trois mois et demi dans ce cachot.

« Quelle est la règle de la prison ? demanda-t-il en entrant.

— La règle…, la règle…, répondit un vieux païen, c’est de s’asseoir sur la paille et de rester tranquille. »

Parmi les captifs, il y avait une jeune femme à peine âgée de vingt-six ans et mère de deux enfants, dont le dernier n’avait pas plus de six mois. Mariée à un païen, elle l’avait converti ; mais, au moment de la persécution, elle avait apostasié. Malgré cela, elle avait été jetée en prison. Le souvenir de sa faute ne lui laissait aucun repos. Profitant d’un moment de distraction des satellites, elle fit le signe de la croix et s’inclina du côté de l’évêque en versant d’abondantes larmes ; il était impossible de la confesser. À un moment convenu, Mgr Ridel prononça de sa place la formule d’absolution, et la jeune femme, rassérénée, forte, désormais heureuse, retrouva avec le calme de la conscience toute l’énergie de sa foi.

En vérité, sommes-nous bien à Séoul, dans la petite capitale d’un royaume inconnu, ou à Rome, la souveraine du monde ? Est-ce un évêque français du xixe siècle qui console et absout d’humbles enfants de la Corée, ou Paul qui bénit des matrones et des chevaliers romains, ses compagnons de captivité ?

À côté de ces joies intimes, profondes et singulièrement suaves, Mgr Ridel en avait d’autres ; il nous les a redites, et l’âme du prêtre, le cœur de l’apôtre, se peignent trop fidèlement dans son récit pour que nous le passions sous silence.

« Si j’ai souffert beaucoup pendant ces jours de captivité, j’ai été consolé bien souvent par la vue de nos chrétiens. Doux, patients, dociles, saisissant l’occasion de rendre service à tout le