Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/56

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lites, quelques filous responsables, payés par la police pour être déférés aux tribunaux quand le peuple perd patience et que les mandarins menacent plus que d’habitude. Avant de les empoigner, on convient d’avance des quelques méfaits, relativement minimes, qui seront déclarés par les satellites et avoués par les accusés ; sur tous les faits graves, on garde un silence profond, et il est rare que les vrais coupables subissent le juste châtiment de leurs crimes. D’ailleurs le gouvernement tolère beaucoup de voleurs notoires, afin d’avoir sous la main, en cas de besoin, des auxiliaires aussi peu scrupuleux que déterminés.

On peut aisément conclure de tout ce qui précède combien il est difficile, en Corée, d’obtenir justice quand on n’a pour soi que son bon droit, sans argent ni protections. En théorie, chacun peut librement s’adresser au mandarin et lui présenter ses plaintes ; en fait, les accès du tribunal sont si bien gardés par les prétoriens ou satellites, qu’il faut, bon gré, mal gré, passer par leurs mains, et réussît-on à remettre directement la pétition dans les mains du mandarin, qu’on n’y gagnerait rien puisque par ce procédé on mettrait contre soi l’influence toute-puissante de ses subalternes. Aussi, d’ordinaire, on s’adresse d’abord aux employés du tribunal, et, si l’affaire est importante, ceux-ci tiennent conseil, examinent ce qu’il faut déclarer, ce qu’il faut cacher, ce qui peut être avoué sans inconvénient, ce qui doit être nié, et enfin de quelle manière et sous quel point de vue il faut présenter la chose au juge. Puis, moyennant une somme plus ou moins ronde, ils se chargent de la réussite du procès. Bien peu de mandarins ont le courage de résister à l’influence des prétoriens ou l’adresse de déjouer leurs intrigues.

Une autre cause d’injustice dans les tribunaux coréens, c’est l’intervention des grands personnages. Les familles des ministres, des femmes du roi, des grands dignitaires, etc., ont une foule de valets ou suivants, qui s’attachent à leur service gratis et quelquefois même en donnant de l’argent afin d’obtenir leur protection. Ces individus, moyennant salaire, se font entremetteurs dans mille affaires, et obtiennent de leurs maîtres des lettres de recommandation qu’ils présentent au mandarin. Celui-ci n’ose