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peuple, dans les provinces, roulent les deux tresses autour de leur tête, comme un turban, et les nouent sur le front. Les jeunes personnes qui refusent de se marier, et les hommes qui, arrivés à un certain âge, n’ont pu trouver femme, relèvent eux-mêmes leurs cheveux secrètement et en fraude, afin de ne pas être éternellement traités comme des enfants ; c’est une violation grave des usages, mais on la tolère.

Au jour fixé, on prépare dans la maison de la jeune fille une estrade plus ou moins élevée, ornée avec tout le luxe possible ; les parents et amis sont invités et s’y rendent en foule. Les futurs époux, qui ne se sont jamais vus ni jamais adressé la parole, sont amenés solennellement sur l’estrade, et placés l’un en face de l’autre. Ils y restent quelques minutes, se saluent sans mot dire, puis se retirent chacun de son côté. La jeune mariée rentre dans l’appartement des femmes, et le marié demeure avec les hommes dans les salons extérieurs, où il se réjouit avec tous ses amis, et les fête de son mieux. Quelque considérables que puissent être les dépenses, il doit s’exécuter de bonne grâce ; sinon on emploiera tous les moyens imaginables, jusqu’à le lier et le suspendre au plafond, pour le forcer à se montrer généreux.

C’est cette salutation réciproque, par-devant témoins, qui signifie le consentement, et constitue le mariage légitime. Dès lors le mari, à moins qu’il n’ait répudié sa femme dans les formes voulues, peut toujours et partout la réclamer ; et, l’eût-il répudiée, il lui est interdit de prendre lui-même une autre femme légitime, du vivant de la première ; mais il reste libre d’avoir autant de femmes qu’il en peut nourrir.

Le jour du mariage, la jeune fille doit montrer la plus grande réserve dans ses paroles. Sur l’estrade, elle ne dit pas un mot, et le soir, dans la chambre nuptiale, l’étiquette, surtout entre gens de la haute noblesse, lui commande le silence le plus absolu. Le jeune marié l’accable de questions, de compliments ; elle doit rester muette et impassible comme une statue. Elle s’assied dans un coin, revêtue d’autant de robes qu’elle en peut porter.

Si elle prononçait une parole ou faisait un geste, elle devien-