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lui avaient affirmé qu’elle était muette de naissance, qu’il voyait bien que tel était le cas, et qu’il était résolu à ne pas prendre une femme muette. La jeune femme aurait pu se taire impunément ; car, les cérémonies légales une fois accomplies, que l’un des deux conjoints soit muet, ou aveugle, ou impotent, peu importe, le mariage existe. Mais piquée de ces paroles, elle répondit d’un ton aigre-doux :

« Hélas ! l’horoscope tiré sur ma nouvelle famille est bien plus vrai encore. Le devin m’a annoncé que j’épouserais le fils d’un rat, et il ne s’est pas trompé. »

C’est là pour un Coréen la plus grossière injure, et elle atteignait non seulement l’époux, mais son père. Les éclats de rire des femmes esclaves en faction auprès de la porte augmentèrent la déconvenue du jeune homme. Il avait gagné son pari, mais les moqueries de ses amis lui firent payer bien cher et bien longtemps sa malencontreuse bravade.

Cet état de réserve et de contrainte entre les nouveaux mariés doit, selon les lois de l’étiquette, se prolonger très longtemps. Pendant des mois entiers, la jeune femme ouvre à peine la bouche pour les choses les plus nécessaires. Point de conversations suivies avec son mari, point de confidences, jamais l’ombre de cordialité. Vis-à-vis de son beau-père, l’usage est encore plus sévère ; souvent elle passe des années entières sans oser lever les yeux sur lui ou lui adresser la parole, sinon pour lui donner de loin en loin quelque brève réponse. Avec sa belle-mère elle est un peu plus à l’aise, et se permet quelquefois de petites conversations ; mais, si elle est bien élevée, ces conversations seront rares et de peu de durée. Inutile d’ajouter que les chrétiens de Corée ont laissé de côté la plupart de ces observances ridicules.

Dans toutes les classes de la société, la principale occupation des femmes est d’élever, ou plutôt de nourrir leurs enfants.

L’éducation exige peu de soins. Elle consiste habituellement à faire toutes les volontés de l’enfant, surtout si c’est un fils, à se plier à tous ses caprices et à rire de tous ses défauts, de tous ses vices, sans jamais le corriger. En dehors du soin de leur