Page:Laurenceau - Le Petit neveu de l'Arretin, ouvrage posthume trouvé dans le portefeuille de son grand oncle, BnF Enfer-373, 1800.djvu/61

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Nul ne vit ce prodige, et la discrète reine
Sut le taire à sa sœur non sans beaucoup de peine.
Bien plus dans son salon tendu de satin noir
Un autel en sopha s’élevait, où le soir
Son amant célébrait l’office de Sichée ;
Un jour elle y crut voir son ombre panachée,
D’un ton de trépassé murmurant son affront,
Venir lui reprocher les cornes de son front ;
De l’oiseau de la mort la triste psalmodie
A frappé dans la nuit son oreille assourdie ;
Les oracles obscurs des vieux sorciers de Tyr
À son esprit déjà paraissent s’éclaircir,
Et d’un songe amoureux si la douleur la flatte,
Le vit près d’enconner, disparaît… ou la rate :
En elle tout annonce un cerveau détraqué ;
Toujours elle croit voir son peuple rembarqué,
La laisser seule au port, toujours à sa poursuite
Il lui semble courir sans argent et sans suite.
Tel Penthée autrefois voyait dans ses terreurs,
D’Eumenides par-tout des bataillons vengeurs,
Ou tel fuyant sa mère, Oreste au lieu d’escorte
Rencontrait de la mort les trois sœurs sur sa porte.