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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/14

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L’ÉCRIN DU RUBIS

précis qui nous faisaient rechercher la solitude d’un bosquet, le demi-jour d’une pièce isolée, la trace d’un parfum, le frôlement d’une jupe, la caresse d’un attouchement furtif. Jeunes filles sages, mais déjà ardentes, c’est elle qui, le soir, peuple notre lit des visions lascives surprises au spectacle de la vie, glisse auprès de nous les fantômes de nos curiosités indiscrètes, nous enlace avec la tendresse d’une amie, nous endort sous les effluves surets de nos aisselles moites. C’est elle qui, plus tard, devant nos yeux fermés, soulève la robe dont les balancements nous ont émue, découvre une jambe par-delà sa jarretière, sollicite notre main au toucher d’une peau dissimulée sous la mousse d’une dentelle, nous agenouille devant le tabernacle des félicités, dans l’obscurité des voiles empreints de l’haleine de la rose mystique. Elle est la voix, au fond des garde-robes, des étreintes lassées dans les jupes endormies ; l’arôme subtil exhalé des tiroirs d’un chiffonnier

D’où jaillit toute vive une âme qui revient :

la senteur chaude d’une alcôve au réveil dans la pénombre de ses rideaux de soie et dans le fouillis des coquetteries secrètes traînant à l’abandon. Elle fut jadis le délicieux frou-frou d’une robe qui passait en ses nuées de volants ; la somptuosité des enveloppements où se cachait le mystère ; le troublant émoi des ombres bruissantes sous les cercles d’un juponnage d’écumes irisées.