Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
L’ÉCRIN DU RUBIS

rêveuses et sensuelles autant que difficiles sur le plaisir et que l’expérience qu’elles en ont a déçues au regard de ce qu’elles en imaginaient, la délectation morose devient la forme habituelle d’un érotisme dérivé peu à peu de son véritable objet vers ce qui n’en est que la figuration ou le symbole. C’est une disposition à jouir moins des réalités de la possession qu’à subir l’hallucinant mirage du monde de séductions dont la Femme s’environne pour mettre en valeur son corps.

Notre amour s’en ramène ainsi à une espèce de dévotion pour tout ce que le luxe et la Mode ont inventé afin qu’elle nous fût irrésistible, pour tous ces riens qui sont cependant l’esprit de la beauté. Car ces robes, ces chemises, ces pantalons, ces jupes dont notre chair s’est fait un nid douillet tout imprégné des fragrances de nos recoins capiteux, ces voiles encore tout chauds d’une pâmoison, tout chiffonnés d’une étreinte, ou tout palpitants d’un désir ou d’un égarement, quelle volupté à nous saisir d’eux par tous nos sens, à surprendre leurs confidences, à franchir le seuil de leur intimité, à nous couler en eux comme on se glisse dans le lit d’une belle endormie, et à nous y abolir dans la substitution mystique de notre corps au corps d’une autre, dans le sentiment d’une fusion où tend vainement l’acte d’amour !