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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/228

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L’ÉCRIN DU RUBIS

la chasteté du nu. Il est, en tout cas, le seul homme qui ait eu, non seulement la faveur d’étreindre des yeux l’ensorcelante félinité de cette Ève insexuée dont les trente ans ont les formes et l’absence de villosité d’un impubère, mais encore le spectacle inattendu de son déshabiller auquel il vit cette grande dame procéder aussi tranquillement que chez elle. Elle s’était présentée rue Juliette Lamber avec un loup sans barbes, avait acquitté d’avance le prix du portrait dont le maître devait à jamais ignorer le nom, puis introduite dans le vaste atelier du premier où sur les hautes murailles palpitent les chairs concupiscentes de nos névroses et de nos luxures, elle s’était mise en devoir de se dévêtir. Elle n’avait gardé avec ses souliers de satin écarlate que ses bas de même couleur retenus par une jarretière de velours noir à boucle de diamants qui, du vigoureux contraste dont ils coupent le corps au milieu de la cuisse, éveillent les sens à d’inconcevables souhaits. Il y avait pour elle vanité de Femme à la mode et jouissance de sensuelle à se vouloir idéalisée dans la beauté malsaine et capiteuse du Péché moderne, avec ses formes étiques et suaves d’un sexe incertain, ses déformations anatomiques pétries et modelées par nos vices, le piment d’une distinction décadente dans les détails et l’allure, et cette canaillerie érotique dans l’audace de la pose et l’expression du mouvement. Sans doute pour mettre l’artiste au ton de l’émotion nécessaire, elle avait avec affecta-