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L’ÉCRIN DU RUBIS

Ce n’était pas cette offre brutale de la robe de maintenant qui ne laisse plus un secret à deviner de celle qui la porte, et nous amène, dès la première rencontre, presqu’au point mort du désir. Le fruit est prêt à tomber dans nos mains sans que nous ayons vu s’effeuiller la fleur. L’amour brûle ici toutes les étapes les plus charmantes. Il commence par où il devrait finir. Il ne perd plus son temps aux délicieuses bagatelles de la porte.

Étrange fascination que cette obscurité chaude dont nos mains n’écartent qu’en tremblant les voiles légers ! La volupté de l’ombre sous les jupes, je la pressentis d’instinct, dès mon enfance. J’avais à peine sept ou huit ans qu’un soir, dans le salon d’un hôtel de Vals, j’eus la polissonnerie d’aller m’allonger sur le dos aux pieds d’une jeune femme de qui j’avais reçu quelques marques d’amitié. Sans défiance des desseins d’une fillette, elle me donna sous ses jambes la troublante vision de ce fouillis de jupons blancs dont à cette époque se ballonnait la robe. Bien que n’ayant pas une conscience nette de mon plaisir, je m’attardai à percer des yeux ces vagues de volants brodés et festonnés, apprêtés à l’empois qui, de la cheville où descendaient la sous-jupe et le jupon jusqu’au genou volanté de la haute Irlande du pantalon, baignaient les jambes de leurs ondes molles.