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L’ÉCRIN DU RUBIS

de ses conditions, de son domaine et de ses fins toute une discipline si arrêtée déjà que l’expérience amoureuse n’en put rien modifier.

Car, je n’ai, en réalité, aimé de l’amour que le mystère qu’en ont fait nos mœurs, le secret dont il s’enveloppe aux yeux du monde, ce qu’il a de privé et de défendu, tout l’attirail d’élégances où il se manifeste et se dissimule à la fois, tous les artifices dont il se rehausse et se pimente. Je l’ai toujours poursuivi moins dans le plaisir physique, qui est généralement l’objet de sa recherche, que dans les joies cérébrales que je tire de la magie de ce mundus muliebris dont les évocations si diverses sont le philtre même de la volupté.

Ma mère avait compté parmi les grandes élégantes des dernières années du siècle. Veuve à vingt-cinq ans et très recherchée pour sa beauté et aussi pour sa fortune, elle puisa dans l’adoration que je lui connus de son corps, quand je fus d’âge à observer, des raisons suffisantes pour ne pas aliéner une seconde fois son indépendance. Elle se retint de toutes galanteries avec les hommes qui papillonnaient en essaim autour d’elle, et réserva la pureté de ses lignes et la fraîcheur nacrée de sa chair pour les enchantements de Leucate. Une fois grande, j’en fus bien souvent le témoin indiscret, mais peu gênant. Car sans afficher avec éclat la prédilection où elle avait trouvé le bonheur de sa vie, elle n’en faisait point mystère dans l’intérieur de son home.