Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/252

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Car, vois-tu, boa, ta sauvage majesté n’a pas, je le suppose, l’exorbitante prétention de se soustraire à la comparaison que j’en fais avec les traits du criminel. Cette bave écumeuse et blanchâtre est, pour moi, le signe de la rage. Écoute-moi : sais-tu que ton œil est loin de boire un rayon céleste ? N’oublie pas que si ta présomptueuse cervelle m’a cru capable de t’offrir quelques paroles de consolation, ce ne peut être que par le motif d’une ignorance totalement dépourvue de connaissances physiognomoniques. Pendant un temps, bien entendu, suffisant, dirige la lueur de tes yeux vers ce que j’ai le droit, comme un autre, d’appeler mon visage ! Ne vois-tu pas comme il pleure ? Tu t’es trompé, basilic. Il est nécessaire que tu cherches ailleurs la triste ration de soulagement, que mon impuissance radicale te retranche, malgré les nombreuses protestations de ma bonne volonté. Oh ! quelle force, en phrases exprimable, fatalement t’entraîna vers ta perte ? Il est presque impossible que je m’habitue à ce raisonnement que tu ne comprennes pas que, plaquant sur le gazon rougi, d’un coup de mon talon, les courbes fuyantes de ta tête triangulaire, je pourrais pétrir un innommable mastic avec l’herbe de la savane et la chair de l’écrasé.

— Disparais le plus tôt possible loin de moi, coupable à la face blême ! Le mirage fallacieux de l’épouvantement t’a montré ton propre spectre ! Dissipe tes injurieux soupçons, si tu ne veux pas que je t’accuse