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Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/296

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charriera encore une quantité notable de limon avant que mes forces soient complètement épuisées. Des lois préservatrices n’ont pas l’air d’exister dans cette contrée inhospitalière. Il éprouverait la vigueur de mon bras, si je connaissais le coupable. Quoique j’aie pris ma retraite, dans l’éloignement des combats maritimes, mon épée de commodore, suspendue à la muraille, n’est pas encore rouillée. D’ailleurs, il est facile d’en repasser le fil. Mervyn, tranquillise-toi, je donnerai des ordres à mes domestiques, afin de rencontrer la trace de celui que, désormais, je chercherai, pour le faire périr de ma propre main. Femme, ôte-toi de là, et va t’accroupir dans un coin ; tes yeux m’attendrissent, et tu ferais mieux de refermer le conduit de tes glandes lacrymales. Mon fils, je t’en supplie, réveille tes sens, et reconnais ta famille ; c’est ton père qui te parle… » La mère se tient à l’écart, et, pour obéir aux ordres de son maître, elle a pris un livre entre ses mains, et s’efforce de demeurer tranquille, en présence du danger que court celui que sa matrice enfanta. « …Enfants, allez vous amuser dans le parc, et prenez garde, en admirant la natation des cygnes, de ne pas tomber dans la pièce d’eau… » Les frères, les mains pendantes, restent muets ; tous, la toque surmontée d’une plume arrachée à l’aile de l’engoulevent de la Caroline, avec le pantalon de velours s’arrêtant aux genoux, et les bas de soie rouge,