Page:Laveleye - Les Nibelungen.djvu/239

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étroit. Descendant le courant, il mena la barque vers une forêt, où il trouva son maître sur le rivage. Maints vaillants hommes coururent à sa rencontre.

Les bons chevaliers l’accueillirent avec force salutations. Quand ils virent fumer dans la barque le sang sorti de la terrible blessure que Hagene avait faite au batelier, ils se mirent à l’interroger vivement.

Le roi Gunther, voyant couler le long du bateau le sang encore chaud, prit la parole : — « Dites-moi, sire Hagene, qu’est-il advenu du batelier ? Votre terrible force lui a, j’imagine, enlevé la vie. »

Il répondit par un mensonge : — « J’ai trouvé la barque près d’un saule sauvage, et ma main l’a détachée. Je n’ai vu ici aujourd’hui aucun batelier, et par mon fait nul n’a souffert aucun dommage. »

Gêrnôt, le prince burgonde, parla : — « Il me faudra en ce jour pleurer la mort d’amis bien-aimés, puisque nous n’avons pas les bateliers nécessaires pour nous conduire à l’autre bord. C’est pourquoi mon âme est inquiète. »

Hagene s’écria à haute voix : — Vous, varlets, déposez sur l’herbe les bagages. J’étais, si je ne m’abuse, le meilleur nautonnier qu’on pût trouver sur les bords du Rhin. Oui, je vous passerai dans le pays de Gelpfrât, j’en ai la conviction. »

Afin d’arriver plus vite à l’autre bord, ils poussèrent, à force de coups, les chevaux dans le fleuve ; ceux-ci nagèrent si bien, que l’eau n’en engloutit pas un seul ; mais quelques-uns dérivèrent par suite de la fatigue.

La barque était énorme, forte et très large. Elle transporta à l’autre bord en une fois cinq cents hommes et