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XXXIV

Que faire alors ? — se répétait-il souvent, à bout de force désormais.

Et comme, cette année-là, les suicides des pauvres gens se multipliaient à Paris, causés par le froid et la faim, il lut, un jour, sur un morceau de journal ramassé dans la rue, un fait divers contant l’asphyxie par le charbon d’une famille entière, composée du père, de la mère et de cinq enfants.

Cette lecture le laissa rêveur.

Il se secoua. Las de tout, avide de repos et de néant, il murmura tout bas, avec une lointaine voix de rêve :

— Toujours misérer !… Je n’ai même plus à lutter ! La vie est mauvaise, la vie est marâtre aux petits. Ceux qui achètent du charbon avec leurs derniers sous nous donnent l’exemple pour tôt ou tard.

Mais tout de suite, avec le sentiment intense de sa responsabilité, le suprême amour-propre du fonctionnaire reculant devant tout bruit, tout scandale, il se raidit, incapable d’une franche et dernière révolte. Il ajouta :

— Ai-je le droit de disposer ainsi de la vie des miens ? Et de moi-même ?… Que feraient-ils sans moi ?

Il chassa l’affreuse pensée. Ne reviendrait-elle pas ? Et alors ?…

Octobre 1894 — Juin 1895
Évreux