Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que lui, lui eussent sûrement envoyé l'obole, le denier du pauvre. Et Jean se murmura encore :

« A quoi bon ? Non, non, je ne veux pas manger du pain de l'aumône. »

Un autre jour, il se proposa de se rendre à Montclapiers, de se jeter aux pieds de ses chefs et de leur demander, comme une grâce, un poste rémunérateur. Puis il comprit combien pareille démarche était étrange, absurde même, et dure pour son amour-propre de subordonné. Etait-il le seul instituteur besoigneux et chargé de famille ? Non, on n'agissait pas ainsi. Du reste l'écouterait-on ?

« Supposons même que cette démarche insolite eût une chance de succès, se dit-il, d'où tirerais-je la somme nécessaire pour payer mes dettes, les frais de voyage de ma famille, le transport de mes meubles ? »

Donner sa démission, faire autre chose ? Impossible encore, ce serait même pis, à son âge surtout et sans un sou d'avance.

Il retomba dans sa passivité douloureuse. Et les jours coulaient sans espoir et sans bonheur en son froid et triste logis. Rien ne le soutenait. Sa femme malade continuait à se désoler, toujours geignant ou pleurant. Ses enfants, il les fuyait, car tout en eux lui rappelait son affreuse misère. L'avenir ? il n'osait le regarder sans terreur, Sa situation si mauvaise à Maleval, la saisie-arrêt sur son traitement avaient peut-être indisposé ses chefs contre lui. Au lieu d'un poste plus avantageux, ne lui écherrait-il pas un de ces matins quelque disgrâce ? Ce serait effrayant, mon Dieu, soupirait-il. Alors que faire ?