Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/26

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cherchant à maintenir en équilibre le parapluie qui les protégeait mal.

Du ciel bas tombait une de ces pluies d’automne, fines et glaçantes, que les rafales du vent vous éparpillent à la face et qui s’insinuent dans le cou et dans les poignets. Le long des trottoirs poisseux, ils allaient, sur les pas de leur guide, lamentables, bousculés par les passants affairés et courbant le dos, éborgnés par des baleines de parapluie qui gouttelaient.

Louise, énervée à la suite du déménagement et par sa grossesse, était d’une humeur massacrante ; son ventre lui pesait comme un boulet.

Les enfants, aveuglés par la pluie, les mains gourdes, traînassaient dans la boue liquide, en pleurnichant ; ils se plaignaient de leurs petites jambes ankylosées par une station de plusieurs heures dans laçage étroite d’un compartiment de troisième classe, bondé de voyageurs.

Le regard mauvais, Louise bougonnait sans cesse.

— Mon Dieu ! est-il possible !… Va, tu aurais dû m’écouter et rester là-bas, chez nous, — sifflait-elle, les dents serrées » — surtout dans le bel état où je suis… Il y a de quoi prendre le mal de la mort dans cette sale boue… Ah ! nous étions trop heureux à Peyras… Pauvres petits… ils sont éreintés…

Mais, malgré ces paroles de pitié, elle ne put, tant.étaient grands son énervement et son impatience, s’empêcher aussitôt de rudoyer Rose qui se faisait de plus en plus tirer, et qui se mit, sur le coup, à pleurer à chaudes larmes et refusa d’avancer.

— Ah ! oui… en voilà du propre… Veux-tu te taire, petite sotte !… Et dire que nous pourrions être encore là-bas, et si tranquilles… oui, si tranquilles, seigneur Jésus !

À ces giries, Jean haussa les épaules, agacé à son tour ; mais il mordit ses lèvres minces et ne répondit rien.

… Les voici enfin au bureau de la diligence. Mais ils ne