Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/61

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qui sait ? quand elle apprendra ce que tu souffres, toi et nos enfants, son cœur de mère s’attendrira et lui donnera la force de faire un sacrifice…

— Puisses-tu dire vrai, ma Louise ! — et il promit d’agir dès le lendemain.

VIII

Plusieurs jours s’écoulèrent et Jean hésitait encore.

— J’attends un moment propice, — disait-il à sa femme. — Va, j’agirai…

Mais, en présence de l’aveugle, son indécision le paralysait et il se sentait faible comme un enfant.

Un soir, pourtant, comme il rentrait d’une course où il avait eu à subir, de la part du boucher, le rappel brutal d’une note laissée en souffrance, et la menace de suspendre tout crédit, il se dit, presque en pleurant, qu’il ne pouvait supporter plus longtemps pareilles avanies, si dures pour son amour-propre, et qui compromettaient son métier.

Vers la fin du dîner, il fit un signe à Louise qui se retira dans sa chambre. Lui-même coucha Rose et Paul, le cœur serré, pâle, mais résolu.

— Ma mère, j’ai à vous parler, — dit-il à l’aveugle qui se disposait à gagner son lit.

Caussette tressaillit à la voix brève de son fils et maugréa.

Elle et Jean restèrent seuls en présence, dans la cuisine. Le feu du fourneau, alimenté au bois, s’éteignait. Une chandelle de suif jaune achevait de se consumer en charbonnant. Au dehors le vent grondait entre les rocs des montagnes, sifflait sur les toits qui palpitaient, et, se glissant sous la porte d’entrée, remplissait le vestibule de la maison de