Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/60

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— Mais aussi pourquoi ne parles-tu pas à ta mère ? — insistait Louise avec douceur. — Je suis sûre qu’elle a de l’argent… Pourquoi ne vendrait-elle pas sa terre ?… Ça nous permettrait de nous libérer, d’avoir même quelques avances et, une fois le retard payé, la mauvaise chance conjurée, on vivrait petitement, mais on s’arrangerait pour joindre les deux bouts.

— Non, je n’ose pas… ce sera peine perdue… car plus j’y réfléchis, plus je crois que nous espérons inutilement… Je connais ma mère… Me croira-t-elle même et ne me fera-t-elle pas d’amers reproches ?… Elle est si malheureuse, la pauvre femme, d’avoir encore perdu la vue, qu’elle en est tout aigrie… Et alors ?…

— Raison de plus… puisqu’elle est malheureuse, elle s’apitoiera plus facilement. En outre, elle sent bien comme tu la soignes et elle comprendra qu’avec toutes nos charges, nous ne pouvons pas faire autrement.

— Tu as raison ; mais dans l’état où elle est…

— Ah ! dans l’état où elle est, — ne put s’empêcher de dire Louise, — il vaudrait mieux…

Elle n’acheva pas devant le regard épouvanté et si triste de son mari.

— Oh ! ma Louise, — murmura-t-il douloureusement, faut-il donc que tu souffres, toi aussi… Oh ! c’est affreux, la misère !… Oui — et sa voix sanglotait, — nous sommes bien malheureux, mais elle est ma mère et je me souviens combien elle m’a aimé, lorsque j’étais enfant…

— Pardon, mon Jean, pardon… Vois-tu, ma tête s’égare… je me sens mauvaise… Je suis si faible et puis si triste de te savoir si malheureux.

Elle se précipita, toute pleurante, dans ses bras. Il la consola.

— Cependant, — reprit-elle, — il faut en finir ; nos tracas augmentent. Rien ne t’empêche d’essayer… Elle t’aime et