pacte où quelques rayons de soleil tremblotaient à peine en
larges palets d’or. Les furies amoureuses des oiseaux, voletant autour des nids éclos, éclataient en chants éperdus,
parmi les branches. Sous les herbes et les mousses, on
sentait tressaillir et s’aimer une foule de vies minuscules,
dont les mille voix confuses emplissaient les calmes nocturnes d’une rumeur assourdissante. Le matin et le soir, des
brises soufflaient et apportaient des lointains et des champs
lumineux les senteurs capiteuses d’un monde de fleurettes
se
pâmant au soleil. Dans le val, les vignes verdoyantes
enchevêtraient déjà leurs pampres vigoureux, dont les
grappes fleuries exhalaient un arôme indéfinissable. Les
montagnes, sous les coulées de rayons, semblaient s’animer
aussi d’une vie intense et le vêtement sombre des grandes
yeuses se brodait des dessins bizarres et vert tendre des
jeunes pousses. Et dans ce débordement de vie, de soleil et
d’amour, l’homme retombait aux langueurs du rêve.
La veille de l’élection, le village, d’ordinaire si paisible,
est en ébullition. Chacun prend ses mesures ; on s’observe,
afin de prévenir toute surprise.
Voici le grand jour.
L’aube nacrée et frissonnante blanchit à peine les cimes que déjà des jeunes gens résolus font queue sur le perron de la mairie. Le scrutin ne doit s’ouvrir qu’à huit heures. Mais les conservateurs tiennent à être là des premiers, afin que quelques-uns d’entre eux au moins fassent partie du bureau et surveillent l’urne.
Le désappointement est grand, lorsqu’à huit heures sonnantes les portes s’ouvrent et qu’en pénétrant dans la salle, ils trouvent le bureau, qui vient d’être formé, composé seulement de leurs adversaires narquois. M. Rastel a eu la précaution, en effet, de faire coucher dans la mairie les plus jeunes et les plus âgés de ses partisans. Des matelas