Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/23

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ment sur le dos… Si tu l’avais vu tout à l’heure, et comme il était aimable et sucré, le bonhomme !… Pas de regrets entre nous ; aussi on va se quitter le cœur content et, pour une fois, comme les meilleurs amis du monde.

Louise restait triste ; cependant, puisque son mari qu’elle aimait était satisfait, elle s’efforça de sourire ; mais, malgré elle, ses larmes crevèrent.

Jean, un peu énervé, ne savait plus que faire ni que dire. Il devenait gauche ; il eut un signe d’agacement sur le visage et se dandina fébrilement sur sa chaise. Louise s’en aperçut.

— Oh ! mon ami, je voudrais être contente ; mais cela me brise le cœur de falloir quitter Peyras… J’étais si heureuse ici. Ah ! — ajouta-t-elle avec ce dédain qu’ont, pour le village et ses habitants, les artisans des petites villes, — que ferai-je au milieu de ces paysans méfiants et inconnus avec lesquels nous allons vivre ?

— Ne te tourmente pas… Au contraire, tu y seras plus considérée qu’ici… Toi qui es coquette, — fit-il en la taquinant, — tu seras, là-bas, madame gros comme le bras. Et puis, c’est un poste de début. On y restera deux ou trois ans au plus et, je te le répète, on tâchera après de se rapprocher de Peyras… M. Largue prend sa retraite dans six ans… d’ici là, pourquoi ne viendrais-je pas le remplacer comme directeur ? Louise sembla un peu réconfortée par les assurances de son mari ; elle fut sensible aux paroles de Jean, elle était femme et sa vanité, mise en jeu, y trouvait déjà à glaner.

— Mais, — demanda-t-elle, inquiète encore, — vas-tu gagner là-bas comme ici ?…

— À peu près… oui, ça reviendra au même. J’aurai mon traitement fixe de mille francs… J’espère, avec mes dix ans de services, que l’on me donnera bientôt ma quatrième classe, ce qui fera deux cents francs de plus. — Il disait cela pour rassurer sa femme bien qu’il n’y comptât pas trop, tant on est avare de promotions aujourd’hui. — En outre, le secré-