Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/58

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manque d’affection et de confiance réciproque, de longs silences régnaient entre les deux femmes. Et bien souvent, Louise se mordait la langue pour retenir le mot impatient qu’attiraient, sur ses lèvres, les paroles pleurnicheuses de sa belle-mère. Elle tenait à ne pas l’irriter, afin que la vieille femme se montrât pitoyable, lors de l’explication décisive que Jean retardait de jour en jour.

— Qui nous dit qu’elle a quelque chose ? — murmurait-il parfois pour excuser ses hésitations grandissantes.

Mais Louise se refusait à croire que Caussette n’eût pas d’argent et ne le conservât jalousement, par avarice de vieux. Elle avait remarqué que, chaque fois qu’elle pénétrait dans la chambre des enfants, où couchait aussi l’aveugle, celle-ci la suivait, méfiante, prêtant l’oreille, et ne la quittait pas d’une semelle.

— Sûrement, elle a son magot dans la malle, pensait Louise. Elle a peur que je fouille dans ses frusques et que je déniche ses écus… La preuve, c’est qu’elle ne l’ouvre jamais devant nous, cette malle… Et dire que nous pâtissons, que nous avons juste du pain à manger… Oh ! la vieille avare !

En des heures troubles où grouillent tous les mauvais instincts tapis dans les replis de l’âme, Louise en vint parfois à souhaiter la mort de Caussette. Au moins, si on ne trouvait pas d’argent, on pourrait vendre la terre et se délivrer de cet arriéré si lourd à traîner et qui pesait sur l’existence de Jean.

Louise poussait journellement son mari à faire appel à la bourse de Caussette. Mais Jean hésitait, peu rassuré, se demandant comment sa mère répondrait à sa démarche. Puisqu’elle se taisait chaque fois qu’on faisait allusion au chapitre des dépenses, c’est ou qu’elle ne possédait rien ou qu’elle voulait garder son argent. Et il tergiversait, bien que Louise le pressât ardemment de se décider.