Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/85

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allaient mettre au clou la montre contre laquelle « la tante » leur céderait le louis indispensable pour nocer gaiement, le soir, avec des filles. Enfin, après avoir longtemps hésité, Jean profita d’un moment où la maison semblait déserte, regarda d’un œil égaré autour de lui et se glissa dans le corridor, ne sachant ni où s’adresser ni que dire.

Dans le bureau, l’employé leva les yeux sur le nouvel arrivant avec une complète indifférence. Néanmoins, Jean crut voir de la moquerie dans ce froid regard et vite, en balbutiant, étala ses bijoux. D’une main tremblante, il saisit les quelques écus qu’on lui remit en échange et s’enfuit précipitamment de ce mauvais lieu où il croyait être resté un siècle. Accablé de honte, les joues en feu, titubant comme un homme ivre, il hâta le pas pour sortir de cette rue épouvantable et compromettante. Son regard trouble ne distinguait plus rien. Soudain, au tournant de la rue, un vieux monsieur se dressa devant lui et l’interpella :

— Tiens, c’est vous, monsieur Coste ! Comment ça va-t-il à Maleval ?

Jean eut un afflux de sang à la tête, puis il pâlit affreusement. Comme à travers un voile, il reconnaît le père Largue, son ancien directeur de Peyras. Horriblement gêné, il craint d’être deviné.

— Mais, d’où venez-vous donc ?… Vous paraissez malade. Jean eut la force de mentir.

— Je me suis buté contre un caillou, — dit-il, — et le pied me fait très mal… oui, très mal.

— Quelque cor douloureux, hé ! hé !…

M. Largue riota. Cette attitude, sembla-t-il à Jean, était odieuse et méchante. Sûr que le directeur avait compris, Jean aurait voulu s’engloutir dans le sol.

M. Largue s’informa de madame Coste et des enfants.

— Oh ! merci, merci… ils vont très bien, — murmura Coste, éperdu, ne sachant plus ce qu’il disait.