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Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/125

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leva ses lunettes et attendit que le marquis s’expliquât.

« Monsieur, dit Malignac, je désire vous parler du testament de M. le baron Braünn et de Mlle Sabine Lichtlin.

– Parlez, Monsieur, je vous écoute, dit le notaire.

– Monsieur, ce testament m’intéresse, attendu que j’ai l’intention d’épouser Mlle Lichtlin. Vous voyez que j’agis très franchement. Je sais que M. Braünn lui a légué toute sa fortune, fortune bien supérieure à celle qu’on lui supposait et qui provenait de la succession d’un oncle, mort centenaire à Prague, quelques semaines avant M. Braünn. »

Le notaire resta stupéfait. Jamais il n’avait parlé à âme qui vive du contenu du testament. Cependant il ne souffla mot.

Le marquis continua :

« De plus, vous le savez, Monsieur, le baron, sans vouloir forcer le consentement de Mlle Sabine, lui conseillait d’épouser celui qui lui remettrait une certaine bague...

– Ah ! Monsieur, c’est donc vous ! » s’écria Zimmermann. Le mot ne lui eut pas plus tôt échappé qu’il le regretta. Il se hâta de dire qu’il avait promis sur l’honneur de ne parler à personne au monde du testament avant de l’avoir lu à Mlle Sabine, ce qu’il ne devait faire que le 1er mai de la présente année.

Le marquis le loua de sa discrétion, lui protesta qu’il ne lui demanderait rien et que les termes du testament lui importaient fort peu. Il fit mille révérences, mille compliments, et courut, pétillant de joie, dire à sa cousine que le petit clerc avait dit vrai. À neuf heures il courut à l’Aigle-d’Or, remit dix louis à Jack, et retourna achever de souper avec l’intendante et sa folle compagnie, persuadé qu’avant peu, de joueur décavé, de roué criblé de dettes, il deviendrait millionnaire et recommencerait à s’amuser à Versailles comme par le passé.