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Page:Lavergne - Fleurs de France, 1924.djvu/153

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« Pourquoi êtes-vous si rouge, Mademoiselle ? dit miss Betzy ; c’est très laid pour une demoiselle. Ne sauriez-vous pâlir un peu ? À côté de ce duvet de cygne, vos joues ont l’air de cerises tombées dans la crème. C’est affreux !

– Par exemple ! s’écria Renotte, Mademoiselle est jolie comme un cœur, ainsi. Voudriez-vous qu’elle fût pâle comme vous, Miss ?

– Taisez-vous donc, Renotte, dit Madeleine. Miss, je vous en prie, dites-moi qui est au salon.

– La baronne douairière du Plaissis-d’Algueville, Mademoiselle, et son fils, l’abbé de Saint-Aubin.

– Est-ce tout ?

– À peu près, dit Miss, qui n’osait mentir. Il y a aussi le chevalier, un petit jeune homme sans conséquence, qui sort du collège, un bambin, une figure de rhétorique. Allons, venez. Quand aurez-vous fini de tirer sur ce gant ? Il est entré, il va bien. »

Mais Madeleine tremblait comme la feuille. Tout en lui ajustant son collier, Renotte lui murmurait à l’oreille : « Eh bien, quoi ? Après tout, si Mademoiselle n’en veut pas, elle le dira. Est-ce que Mademoiselle veut se faire religieuse ?

– Oh ! non, ma bonne Noton.

– Eh bien, alors, ne faites pas l’enfant.

– Partons ! » dit miss Betzy.

Madeleine, se baissant, prit Minou-Minette dans ses bras.

« Que voulez-vous faire de ce chat ?

– Il me servira de contenance, dit Madeleine ; si je n’ai Minou-Minette, jamais je n’oserai entrer au salon.

– Hé ! laissez-la faire, c’t’enfant ! » s’écria Renotte.

Renotte, qui avait vu naître Madeleine, était une autorité dans la maison. Miss Betzy laissa faire, et descendit l’escalier en maugréant contre les couvents, les femmes de chambre et les petits chats.

La compagnie qui attendait Madeleine au salon était groupée autour de la cheminée, et tous les regards se dirigèrent vers la jeune fille, qui, dès le seuil, fit une profonde révérence. Son père s’avança vers elle, lui offrit la main et la présenta, en grande cérémonie, à la vieille