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n’avez pas ici de traîtres cachés, ni d’armes, ni de poudre à canon, si vous voulez bien trinquer avec moi et crier : Vive la nation ! je m’en irai pénétré d’estime pour vous. Ça vous va-t-il ? »

La vicomtesse assura qu’elle ne cachait ni traître ni munitions, se versa un peu de vin ; et approchant son verre de celui du délégué, dit le plus fort qu’elle put : Vive la nation ! Elle but, et se croyait quitte, lorsque l’homme qui surveillait le commissaire vint lui dire : « Il y a au bout de cette galerie une petite pièce pleine de livres que vous n’avez pas visitée.

– Allons-y », dit le commissaire en avalant une troisième rasade.

Il se leva chancelant, reprit la main de Mme d’Algueville, et, tout en s’avançant le long de la galerie, lui dit tout bas : « Vous me plaisez, foi de patriote ; si vous voulez, citoyenne, je suis veuf, vous êtes veuve, et...

– On nous écoute, murmura Madeleine plus morte que vive : prenez garde ! »

Ils arrivaient à la bibliothèque. D’un coup d’œil rapide Mme d’Algueville vit que Minou-Minette s’était couchée sur la lettre et la cachait entièrement. Elle dormait, mais un bruit, un geste pouvait l’éveiller... Il y eut un moment d’indicible angoisse. Marcus et son compagnon firent le tour de la pièce ; n’y voyant d’autre issue que celle par laquelle ils étaient entrés, et nulle autre chose que des livres bien rangés, ils sortirent en peu d’instants.

Ils retournèrent aux flacons, burent encore un peu, puis s’éloignèrent enfin en promettant de revenir bientôt.

Il était temps. Mme d’Algueville, à bout de forces, ne pouvait plus se soutenir. Elle s’évanouit, et ce ne fut que plus d’une heure après le départ de la troupe maudite qu’elle put aller reprendre la lettre, et tirer d’inquiétude les habitants de l’appartement secret.

Ils se hâtèrent de faire leurs préparatifs ; la nuit suivante ils sortirent du château et s’embarquèrent. Est-il besoin de dire qu’ils emportaient au nombre de leurs trésors la vieille petite Minou-Minette ? Elle vécut encore plusieurs années en Angleterre, et lorsque ses maîtres revenus dans leur pays