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« Au château de la Luthumière, 24 juillet 1227.
« Très cher et vénéré messire Adam,

« J’ai l’honneur de vous remercier en mon nom et en celui de Mme du Hommet de l’invitation que mon fils nous a transmise de votre part. Nous irons demain dîner au château de Brix, mais je ne pourrai chasser avec vous dès le matin, mon prochain départ me donnant trop de soucis et d’occupation pour cela. Le moment est venu d’accomplir un vœu que j’ai fait il y a bien des années. Je vais partir pour Chypre, où m’appelle mon ami et ancien compagnon d’armes le roi Hugues de Lusignan. J’ai fait vœu de passer une année en Palestine, et j’espère y combattre. L’empereur d’Allemagne s’est croisé et va s’embarquer à Brindes. Tout annonce qu’il y aura laus et honneur à gagner en terre sainte cette année-ci.

« Je désire emmener mon fils. Ce serait chose belle et souhaitable pour lui d’aller gagner ses éperons en guerroyant contre les Sarrasins ; mais Guillaume ne m’appartient plus. Sa fiancée seule a le droit de lui dire : Partez, on restez. Si elle veut qu’il reste, et Mme du Hommet voudrait bien qu’il en fût ainsi, vous fixerez l’époque des noces de nos chers enfants sans attendre mon retour, qui ne pourra guère avoir lieu que dans dix-huit mois. Je laisse tout pouvoir à ma chère et bonne femme, et je bénis et j’approuve tout ce qu’elle ordonnera.

« À demain. Que Dieu et Notre-Dame inspirent à Mlle de Brix ce qui sera le meilleur pour notre salut à tous et l’honneur de nos maisons ; et qu’ils vous aient en sa sainte et digne garde.

« Richard du Hommet, connétable. »


La voix du père Hélier avait tremblé plus d’une fois en lisant cette lettre. Quand il l’eut finie et qu’il leva les yeux, il vit que Luce avait caché son visage dans ses mains. Jouvine pleurait, et le baron et Guillaume, pâles, et les mains